jeudi 10 août 2017

Burn-out Hospitaliers Août 2017



Burn-out hospitaliers : l’austérité est en train d’asphyxier le personnel de nos hôpitaux
12 avril 2017 / par Auguste Bergot
Des témoignages de divers acteurs liés aux institutions de santé relayés par un article de Bastamag font état d’une véritable détresse dans les hôpitaux. Suppression de postes, coupes budgétaires, intensification des rythmes sont à l’origine d’une diminution de la qualité des soins mais aussi de la santé des soignants. Pourtant, les mesures d’austérité risquent de se poursuivre malgré le cri d’alerte de ces hommes et femmes porteuses de vie.
L’hôpital n’est pas une entreprise
Des journées de plus de 10h, sans pause, sans pouvoir manger ni aller aux toilettes, à courir d’un patient à l’autre, hiérarchiser le niveau de besoin des patients, faire le travail d’un collègue arrêté parce qu’il a fait un burn-out, sacrifier sa vie de famille… : voilà le quotidien de nos soignants. Pour eux, cette intenable intensification des rythmes de travail dure depuis près de quinze ans. D’abord ça a été le passage aux 35 heures qui n’a pas été accompagné des embauches nécessaires, puis ça a été l’instauration de la tarification à l’activité, la « T2A », qui a fait prévaloir une logique de résultats sur une logique de moyens soit, a fait basculer l’hôpital dans un modèle de gestion entrepreneuriale. « Chaque établissement est désormais financé en fonction de sa production d’actes de soins et de sa rentabilité, détaille la CGT.
Il faut produire un nombre d’actes de soins suffisant, et diminuer les coûts. Donc faire plus avec moins. » Philippe Batifoulier, professeur d’économie à l’université Paris XIII et membre du collectif des « économistes atterrés » rajoute que « L’idée de la T2A, c’est de « normer » les coûts et de standardiser les soins. On déclare par exemple qu’une toilette dure sept minutes, en ignorant le malade et la réalité. » Mais sept minutes pour une toilette, c’est impensable pour les soignants s’ils veulent faire un travail correct et décent pour les patients. Certains patients demandent de l’attention, ou de ne pas être brusqués, et les toilettes peuvent prendre jusqu’à quarante-cinq minutes.
   
Les soignants travaillent à des rythmes infernaux… gratuitement
Les soignants sont donc contraints de travailler parfois douze ou treize heures de suite, de revenir sur leurs jours de repos ou pendant leurs vacances, et tout cela sans qu’ils puissent récupérer ces jours qui s’accumulent au fur et à mesure et qui ne sont pas dédommagés financièrement. D’après Olivier Mans, de la fédération nationale Sud santé sociaux, « Si l’AP-HP [l’Assistance publique des hôpitaux de Paris] payait tout ce qu’elle doit aux infirmières, elle devrait débourser 75 millions d’euros. » Face à ces rythmes de vie infernaux, les soignants sont impuissants et cherchent à tenir le coup dans ces conditions jusqu’à l’écroulement. « Les directions parient sur la pression des objectifs et sur la conscience professionnelle des agents, très élevée dans le domaine du soin, notamment parmi les infirmières », rapporte un expert en santé au travail. « Le problème, c’est qu’avec le durcissement des conditions de travail et l’épuisement chronique des équipes, l’absentéisme augmente, reprend Jean Vignes, secrétaire général de la fédération Sud santé sociaux. Le recours à l’auto-remplacement est très élevé. »
Dépressions, suicides et baisses de la qualité des soins
Les conséquences de ces rythmes de travail sont nombreuses et toutes dramatiques. Les soignants travaillent à un rythme effréné, sacrifiant leurs vies de famille, jusqu’à ce qu’ils tombent en dépression. « On arrive au bout du surinvestissement du personnel, qui fait que l’hôpital tient encore, ajoute ThierryAmouroux. Depuis juin 2016, on a eu sept suicides chez les infirmiers. » Même constat du côté des médecins. « Les médecins tiennent le coup le plus longtemps possible, puis ils s’écroulent, carbonisés. J’en vois qui sont arrêtés depuis des mois et qui ne peuvent plus parler de leur métier sans se mettre à pleurer. C’est très violent. » Par ailleurs, le surmenage au travail a aussi des conséquences sur les capacités cognitives des soignants. Une expertise réalisée par l’AP-HP en 2015 a montré que « rester éveillé douze à dix-neuf heures consécutives ralentit les fonctions cognitives et le temps de réaction selon un niveau équivalent à une alcoolémie de 0,5g ». En résulte une augmentation des erreurs médicales et donc une baisse des qualités de soin voire, plus dramatique, un accroissement de la mortalité parmi les patients opérés.
« Les médecins tiennent le coup le plus longtemps possible, puis ils s’écroulent, carbonisés. J’en vois qui sont arrêtés depuis des mois et qui ne peuvent plus parler de leur métier sans se mettre à pleurer. C’est très violent. »
Enfin, la cohésion d’équipe pâtit également de ces rythmes de travail : le temps de la pause entre collègues n’existe quasiment plus, un temps pourtant important pour solidifier les liens entre les soignants mais également pour transmettre des compétences. « Les anciennes ne peuvent plus prendre le temps de transmettre ce qu’elles savent. Elles constatent, désolées, que les plus jeunes galèrent à comprendre des choses qu’elles auraient pu leur expliquer en quelques jours, si elles avaient eu le temps de le faire… », rapporte un expert en santé au travail.

L’austérité continue
Alors que les équipes hospitalières avaient espéré que Marisol Touraine reviendrait sur la T2A et allégerait le poids qui pèse de plus en plus sur les soignants, c’est tout l’inverse qui s’est produit, et la situation est loin de s’être améliorée, à l’inverse elle tend à se détériorer. En effet, le 5 décembre a été voté « dans un hémicycle aux trois-quarts vide » comme le souligne bien bastamag.net de nouvelles coupes dans le budget de la Santé. De même, les groupements hospitaliers de territoires (GHT) dont la mise en place est présentée comme une « modernisation de notre système de santé (…) pour garantir l’accès aux soins de tous », sont largement craints par les équipes de santé du fait de l’éloignement grandissant entre l’hôpital et les usagers, mais aussi du fait que le personnel devra être mobile et n’aura pas d’équipe fixe.
La question de l’avenir de nos hôpitaux qui est un enjeu de la présidentielle doit être entendue et ne peut plus être négligée. Pourquoi ne traitons-nous pas comme il se doit les personnes qui sauvent nos vies ? Comment François Fillon peut-il soutenir devant eux qu’ils devront se serrer la ceinture au nom de l’austérité ? Nous sommes en train d’asphyxier ceux qui nous soignent, il est grand temps que leurs conditions de travail redeviennent viables avant que la situation ne soit plus dramatique encore.